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Août 61 (Sarah Cohen-Scali)

Fiche pratique

Âge : 15 ans et +

 

469 pages

 

Éditeur :  Albin Michel Jeunesse

 

Prix : 19 €

 

Auteure : Sarah Cohen-Scali

 

Note : 4,5/5


Résumé

« Al », c'est le nom que Ben donne à la maladie d'Alzheimer dont il est atteint. Et à part sa présence dans son cerveau, Ben ne connaît plus rien ; il a perdu toute notion du temps et de son existence. Pour autant, il n'est pas vraiment seul dans sa tête... Celle-ci est remplie de souvenirs parfois illusoires, comme lorsque les différents Ben qu'il a été au long de sa vie lui rendent visite. Tour à tour et accompagnés d'autres personnages de sa vie, ils vont l'aider à se retrouver.


Le premier narrateur est Beniek (le Ben des années 45-50), jeune adolescent rescapé des camps de la mort. Il raconte sa propre histoire au Ben d'aujourd'hui, en prenant possession de ses pensées. Puis, Benjamin (le Ben d'une décennie plus tard) prend le relai pour lui raconter une autre part de son histoire. Ensuite, c'est au tour de Beni (le Ben de 1961) qui vit désormais en France. C'est ainsi que l'histoire se déroule au gré des anciens Ben, nous aidant à mieux comprendre l'actuel.
Mais quelle est cette fameuse histoire, son histoire ? C'est celle d'un jeune garçon juif qui, après avoir échappé à la mort dans les camps de concentration, se retrouve orphelin et est accueilli dans un centre dédié. C'est là que Beniek rencontre Tuva, une jeune fille issue du Lebensborn norvégien, ce programme nazi qui visait à créer la population aryenne pure par excellence. Un lien très fort se tisse instantanément entre eux. Ils passent leur temps ensemble jusqu'à ce que vienne le jour du départ. Ils font alors la promesse de se revoir en Allemagne quelques années plus tard.

Beniek, est envoyé en Angleterre avec d'autres garçons, jusqu'à ce que sa tante, seule rescapée de sa famille, le retrouve. Devenu Beni, il part la rejoindre en France. Tuva, de son coté, est envoyée chez sa mère biologique que l'équipe de l'orphelinat a identifée.

 

Les années passent et chacun subit des difficultés voire de nouvelles horreurs. En 1961, Beni se décide enfin à retourner dans ce pays qu'il hait tant pour y retrouver Tuva. Mais un détail important se dresse entre eux, elle vit à Berlin-Est ! Et après tout ce qu'elle a vécu, Tuva croit en une nouvelle société plus juste et égalitaire. Elle croit au régime communiste et y voit le pays idéal dans lequel elle pourra enfin vivre. Lorsque le mur de Berlin est édifié alors qu'ils étaient ensemble dans l'arrière-pays, elle refuse de fuir avec Beni, qui est obligé de retourner à Berlin-Ouest. Et elle le paiera cher, en découvrant trop tard le véritable visage du régime qu'elle a tant loué...

Mon avis

C'était un roman absolument époustouflant, dans lequel on retrouve le même esprit que Sarah Cohen-Scali avait mis dans Max. Mais cette fois-ci, c'est d'un autre pan de la vaste histoire liée à la Seconde Guerre Mondiale qu'il est question.

 

J'ai d'abord apprécié le cadre utilisé, celui de cet homme atteint d'Alzheimer qui a oublié son existence, pourtant véritable symbole historique. Il ouvre d'une manière inhabituelle et franchement intéressante le thème choisi. Cela n'a-t-il pas été le cas de nombreux survivants de la Shoah et de témoins du rideau de fer que d'oublier leur passé et leur identité à cause d'Al ?
Les voix multiples du récit donnent un visage à l'époque si particulière qu'est l'après-guerre. On décèle en chaque personnage, selon son âge et son vécu, une malice différente. Mais l'un de ceux que j'ai préféré est certainement Tuva. Le rôle que l'auteure lui donne est très beau. En effet, j'ai rarement lu des fictions dont les personnages prônent l'Allemagne communiste avant de réaliser leur méprise. Ce n'est certainement pas considéré comme très héroïque. Pourtant, cela a été le cas de beaucoup de gens. Personnellement, je suis touchée de savoir que ces gens avaient encore assez d'espoir - malgré tout ce qu'ils avaient vécu - pour croire à la paix et à l'égalité. Je trouve justement que leur héroïsme réside dans leur prise de conscience : ils ont eu la force de sortir de l'embrigadement et de comprendre leur erreur. Et c'est d'autant plus poignant pour nous, lecteurs du XXIème siècle, car nous connaissons l'histoire alors que Tuva elle-même n'a aucune idée de ce qui va arriver.


Je conseille donc très vivement ce roman. Plus qu'une fiction historique, c'est une ode au souvenir et à la mémoire. L'oubli de Ben nous prouve à quel point il est important de parler de ces événements, et de préserver la mémoire collective. Qu'à aucun moment ils ne puissent se répéter.


Un mot sur l'auteure

Née en 1958, Sarah Cohen-Scali écrit depuis qu'elle a vingt-neuf ans, parfois sous le pseudonyme de Sarah K. Également passionnée de philosophie et de théâtre, elle en est aujourd'hui à une cinquantaine de romans.

 

Elle écrit essentiellement des romans policiers, fantastiques et noirs. Mais ce qui semble être son véritable domaine de prédilection, c'est l'Histoire, et notamment celle qui touche à la Seconde Guerre Mondiale. Après Max - son grand succès qui a remporté douze prix - et Orphelins 88, elle livre Août 61. Et ce n'est pas pour nous déplaire car, forte de ses intenses recherches historiques et d'une plume saisissante, elle nous plonge à chaque fois au plus près de la réalité.

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